Elle avance, rapide comme une lame, serre la main de tout être vivant à sa portée, suivie de ses gardes du corps. Elle s'installe sur le fauteuil de maquillage. Les draps ont laissé quelques plis sur sa joue droite. Elle demande à rester seule avec son collaborateur, qui lui donne les nouvelles de la nuit, lui glisse quelques phrases à placer sur l'immigration et l'international.
Elle s'installe en plateau, baisse son siège, sourit. C'est parti.
Elle lance les phrases sus-dites comme des flèches dès que les questions le permettent. Pour le reste, elle repousse ("Ce n'est pas le moment de répondre à ces questions"), botte en touche ("Il faut écouter les Français") ou s'enlise un peu dans les bons sentiments (le pape et l'Islam, cela prouve que la laïcité, c'est bien).
L'impression d'affronter un pot en acier: cela brille, tout glisse sauf ce qui fait tinter. C'est vide.
Et pourtant, Elle fait de l'effet, Elle est différente, dévolue au contenant plus qu'au contenu, mais sans dégât pour Elle. En fait, Elle change les règles sans qu'on puisse rien faire.
Tendue comme une corde d'arc, elle affiche une certitude - la primaire ne peut lui échapper - et une humilité - la vraie présidentielle, c'est autre chose.
Pendant ce temps, Arnaud Montebourg publie dans Libération un texte d'idéologie qui vise à faire converger souverainistes, chevènementistes, écologistes et partisans de la VIème République dans le royalisme. En quelques heures, Elle en adopte le contenu et le développe le soir-même à Bondy, devant ses supporters. Le pot d'acier se remplit de la pluie qui tombe.
"Elle est comme Napoléon, glisse un de ses proches. Elle fait des maréchaux avec des sergents trouvés sur le champ de bataille."
Inquiétante, décevante, percutante, glaçante, présente, troublante: l'énigme Ségolène.